" 20 ans, c’est tout une histoire !" fable contemporaine.
Une conception et un tournage participatifs.
Premières projections : quartier des Promenades de l’Europe, novembre 2012 . projection : du film "20 ans c’est tout une histoire"
Première fiction participative d’une série de SIX, tournés en cinq ans, dans différents pays ( Afrique, Inde, Europe, camp de réfugiés)
extraits de
CHARIVARI
film 38 minutes
de François de LIMOGES et de Franck NA
(chantier lyrique)
Meyrin Genève
Comme des gosses dans un terrain vague, les réalisateurs FDL & FN, ont fréquenté pendant 3 ans le chantier du tram de Meyrin, près de Genève.
L’hiver, l’été, La nuit, le jour, dans les trous, au milieu des routes et sur les toits, ils ont scruté, attendu, filmé, un tricératops arrachant une barrière, des habitants voyageant au coeur de la terre, des maçons assemblant un élément d’une station orbitale.
Ils ont enregistré les cris, murmures, silences du chantier, les folles percussions des marteaux, la corne de brume des bétonneurs, le courant d’air du tunnel et surtout le chant, la belle voix du tram.
Joyeux, ils vous présentent aujourd’hui ce film-opéra-chantier-chanté.
Pendant les trois années que durèrent le chantier du Tram de Meyrin et de sa tranchée couverte, à côté de Genève, François de Limoges et Franck NA suivirent les travaux publics avec leur caméra. Peu à peu, enclins à la poésie de ces travaux titanesques, les deux réalisateurs dégagèrent les images et les sons pour orchestrer un opéra urbain. Les informations sont bien là mais c’est une ode à la force d’organisation malgré le chaos apparent. Les ouvriers, les intempéries, les espaces incertains sont saisis dans une intimité dénotant d’une attirance non pas pour des ruines romantiques mais pour les architectures éphémères et les musiques impromptues. Un film-chantier abouti.
CHARIVARI
texte du livret : Voix chantée par Marie CHAVENEAU, CHARIVARI 2011
"Je vire
je glisse
Je suis la machine sur rails
Le tram, je suis. Je suis les rails .
Géante de glace érigée par des mains d’hommes bardés d’outils et de gants qui me hissent et me palpent et s’éreintent à dresser mon lit.
Charivari
J’arrive hardie
Hardi j’arrive
J’arrive, hardi
Charivari
Pour ce faire, la ville s’est ouverte les entrailles
Sens dessus dessous la chaussée défoncée
Piètre enclume
et au ciel découvert toute la terre tassée
bâillonnée de bétons et bitumes.
Avanchet
Deux minutes d’arrêt
Biiip biiip
Prochaine station
Blandonnet
Je suis la machine sur rails
Le tram, je suis. Je suis les rails .
Des saignées, des tranchées, Chirurgie de Titans,
Greffes de métal blanc, Cousus de fil de fer,
Les tubes et tuyaux cadavérés sous le Macadam
inhumés
Blandonnet
Deux minutes d’arrêt
C’est le bal des experts
Et des ouvriers engossés dans des panoplies colorées
A la puissance hardie, à la démarche pesante,
Déploient leurs outils et font vrombir leurs machines
Pour asseoir,enfin, mon trône de reine sybilline.
Route de Meyrin . MEY_RIN
Viaduc, mon viaduc,
Fleuron de ma saga , moi qui tourne en rond, toboggan réservé aux fesses princières.
Viaduc, mon viaduc,
Fleuron de ma saga , toboggan pour mes fesses princières.
J’arrive dans l’artère principale, J’arrive,
j’arrive dans l’artère principale
de la ville par une glissade majestueuse
Je suis locomotrice et dessert ma ville, en servile semeuse.
Meyrin Gravière
Mes protégés m’ignorent,
Le confort les endort, eux.
Je suis un gros serpent de fer,
Qui se déleste de ses oeufs,
comme une insatiable pondeuse.
Forum de Meyrin
Terminus
Et c’est reparti dans l’autre sens
Forum Meyrin
Route de Meyrin.
…MEY - RIN..
Balexert
Attention sortie à gauche
Blandonnet
Attention sortie à gauche
Avanchet
BIP BIIIIP
"
[1]
Abdul DANCE 2011
]]
[1] Pour parvenir à ses fins, à ses rêves de splendeurs, d’une Meyrin de l’avenir. Meyrin la Ville s’est doté d’une ligne de tram. Pour se faire, elle s’est entaillé le ventre, casser les routes et couper ses arbres. Charivari sens dessus dessous.
C’est parti. D’entre trois cailloux, la source s’élance au soleil. Le chantier cérébral bat son plein On s’en donne à cœur joie On trace, on cogite, on dessine, on biffe et rebiffe. On convoque des experts, on discute, l’idée se faufile entre écrans, entre des têtes. On imagine : Des plans sur la comète. On polémique, on s’entête. Pour finir par s’entendre. Les corps de métiers sont convoqués. « - Ouah. C’est trop cher. Et avec moins de pots de fleurs ? Bon ça ira comme ça. Mais faudra pas dépasser. Faut que ça rentre dans le budget. Pas d’excès. »
Au petit matin, les troupes se réunissent pour un court conciliabule. Puis elles se dispersent à entreprendre chacune un bout de la chaine du chantier. Derrière des barrières de fortune, mille petits foyers grignotent la tâche. Engossées dans des panoplies de sécurités, des figures d’hommes hardis déploient leurs outils et leurs machines.
Et toujours prudentes, toujours attentionnées avec les riverains, les dizaines de hordes colorées dévorent un torrent de bitume et de calcaire. Le torrent prend de la hauteur et se gèle. Les voussoires du viaduc comme les anneaux d’un énorme reptile sont ajustés méticuleusement, un à un . Des milliers de lances métalliques l’aiguillonent. Il est creux, ce serpent des mers, et des hommes aux gilets de couleurs vives l’arpentent, le hantent, l’habitent.
Partout sur les 9 kilomètres du chantier, des sillons béants fendent le sol. Les gros tubes noirs, du futur chauffage urbain, les cables d’énergie et les fils de communication, les tuyaux d’eau, potable ou viciée, les traverses des rails, les graines pour la prochaine saison, tous attendent leur tour d’être inhumés, pour dans l’ombre et l’oubli irriguer la vie de la cité.
Sur toutes ces plaies de voirie, se côtoient des tribus, fantassins casquées du génie civil, et d’entreprises de travaux publics. Dans le marasme du chantier, ils se faufilent, se diluent, ils foulent du pied ce qui sera bientôt recouvert, toute cette terre tassée, bâillonnée par béton et bitume. Ils sont maintenant dans l’artère de la ville. Ils le savent. Ils érigent un géant couché. Ils le façonnent. Ils entendent déjà les fluides, et le grondement des turbulences de l’humain agité ; mais ils imaginent, ils imaginent toute cette ferraille qui va passer par là, ils imaginent tous ces écrins à bipèdes, par la roue, décuplés. Chacun imagine, et c’est facile, le trafic ne s’étant jamais arrêté, par cette magie organisée, imagine, toutes ces journées comme des flux convergents, imaginent une ville-mobile, une cité en mouvement perpétuel, reine de la dynamique des fluides. Comme un tapis persan aux motifs volants…
L’hiver a été rude et parfois imposa des latences. Mais ils sont là, - bottes, gilets, casques - tous, tous les matins, tôt. Et la puissance agile de leur travail saura vaincre les multiples anicroches. Pour donner à la population, un monument horizontal, la voix de son avenir.
Genève, mars 2011, NA